L’avenir
– critique, résistance, utopie –
Colloque interdisciplinaire d’anthropologie prospective
organisé par l’UDESCA
24-25 mars 2021 – Paris ICP
Appel à communication
Régulièrement l’avenir a été un objet d’espérance, a marqué un horizon d’attente, a fasciné les hommes et les femmes. « De quelles nouvelles inventions, créations, explorations l’aventure humaine sera-t-elle capable ? », « Quelles merveilles et quels prodiges nous réserve l’avenir ? » pouvaient être certaines des interrogations de ces derniers siècles.
Effectivement, l’avenir nous a impressionné ! La Terre n’était plus le centre de l’univers ; nous avons créé la machine à vapeur à l’origine de la révolution industrielle qui changea la face du monde ; la théorie quantique a bouleversé notre façon de penser ; les antibiotiques nous ont permis de traverser des morts qui autrefois auraient été certaines ; nous avons marché sur la lune ; en quelques années nous sommes devenus joignables où que nous soyons sur le globe chacun disposant, grâce à Internet, de la quasi-totalité des savoirs mondiaux dans sa poche.
Mais l’avenir a aussi charrié avec lui son lot de surprises et de stupeurs. Au début du xxe siècle, alors que la révolution industrielle battait son plein, encouragée en ce sens par Descartes nous exhortant à devenir « maîtres et possesseurs de la nature », éclate une première guerre, qui, mondialisation économique aidant, devint mondiale. Puis ce fut le tour d’une deuxième qui conduisit, accompagnée par la puissance de nos artefacts produits de mains humaines, non pas 18 mais 60 millions de morts, avec les camps d’extermination et Hiroshima. En dépit de ses « accidents » de parcours, la modernité restait caractérisée par la convergence entre le progrès technique et le progrès social.
Aujourd’hui, qu’en est-il de l’avenir ? Nous pouvons identifier trois hypothèses:
- Depuis notre entrée en postmodernité, il y a de cela quelques décennies, avec la fin des trente glorieuses et l’identification de la chute des grands récits, les temporalités sont fondamentalement bousculées. Progrès technique et progrès social sont désormais dissociés. La temporalité linéaire du progrès caractérisée par le fait que demain sera meilleur qu’aujourd’hui qui est meilleur qu’hier est rompue. Plus encore, l’entrée dans l’anthropocène, cette nouvelle période géologique marquée par une modification durable des conditions d’habitabilité de la Terre, signifie que la pérennité de l’aventure humaine est désormais compromise. L’avenir est en train de disparaître – qu’il soit porteur de merveilles comme de sidérations. Ces derniers mois, le succès planétaire des propos de la lycéenne suédoise Greta Thunberg auprès des jeunes l’atteste : « Pourquoi devrions-nous étudier pour un futur qui n’existera bientôt plus ? ». L’avenir a disparu. C’est là la première hypothèse.
- Une voix dissonante, principalement émise depuis la Californie, retentit de temps à autre : l’avenir existe. L’avenir sera great ou bigger than ever nous disent en chœur Mark Zuckerberg, co-fondateur et PDG de Facebook, Larry Page et Sergey Brin, fondateurs de Google, Jeff Bezos, fondateur et PDG Amazon, ou encore Elon Musk, fondateur d’un ensemble d’entreprises comme SpaceX, Tesla ou Neuralink. Nos esprits sont en cours d’écranisation. Aucune limite ne peut être infranchissable pour le génie humain, qu’elle soit planétaire, corporelle ou cognitive – certes sur fond de guerre économique de plus en plus violente… Nous allons bientôt pouvoir fusionner avec la machine et démultiplier ainsi notre puissance. Une hubris techno-économique prend en charge la question de l’avenir. C’est là la deuxième hypothèse.
- Nous avons besoin de l’avenir – tout comme le devenir et l’advenir sont nécessaires à notre coexistence terrestre. Mais n’avons-nous pas besoin d’un autre avenir que cet accomplissement de l’individu prométhéen de la modernité réservé aux quelques privilégiés disposant, dans le « mythique garage » des commencements de leur succès planétaire, d’une navette spatiale permettant de regagner Mars ? Comment pouvons-nous accoucher ensemble de l’avenir dans les temps de l’anthropocène et des perspectives transhumanistes ? N’avons-nous pas, fondamentalement, besoin de muter ? Comment permettre à un « entre nous » convivialiste et post-prométhéen de faire face à cette hubris destructrice (l’adjectif post-prométhéen étant ici entendu comme le renoncement à la transgression de toute limite et à cette recherche démiurgique de puissance) ? Et si l’avenir pouvait être le fruit de la critique, de la résistance et de l’utopie ? Il s’agit là de la troisième hypothèse, celle qui nous mobilise et qui sera mise au travail au cours de ce colloque. Une espérance intellectuellement honnête quant à l’avenir nous semble possible. Cette espérance peut prendre la forme d’une promesse.
Notre hypothèse est que pour donner ses chances à l’avenir et permettre l’avènement d’une mutation anthropologique, la réactivation et l’articulation de trois fonctions essentielles sont nécessaires : la critique, l’utopie et la résistance. La fonction critique, tout d’abord, renvoie à la nécessité de comprendre et de rectifier certaines des erreurs de la modernité. La fonction utopiste, ensuite, où il importe de nous donner les moyens de continuer d’espérer, et de croire en un avenir possible. Mais les fonctions de critique et d’utopie courent le risque d’être stériles si elles ne sont pas articulées avec une fonction de résistance caractérisée par son ancrage dans le réel et la poursuite de combats ici et maintenant. Il importe de tenir dans l’opposition (résistance) à partir de ce qui est identifié comme problématique (critique) pour que l’avenir espéré puisse advenir (utopie). N'avons-nous pas vu, grâce à cette articulation de résistance, de critique et d’utopie, l’avènement du projet européen ou celui du projet onusien – qui, certes, ont encore besoin de progresser ?
Nous souhaitons approfondir en quoi et comment critique, utopie et résistance ne sauraient faire l’économie d’un fondement dans une connaissance « vraie » de l’humain. Toujours en recherche, celle-ci se doit de mobiliser le plus large spectre des savoirs, selon l’universalité non seulement des sciences de la nature et des sciences humaines, mais aussi des sciences philosophiques et théologiques. Il nous semble à cet égard de première urgence de ne pas sacrifier à une représentation ambiante à la culture, que E. Husserl caractérisait comme le « naturalisme ». En elle tout savoir valide de l’humain se voit assigné à la seule interprétation qu’en donne les sciences dures. Il y va d’un processus aveugle, qui détermine le savoir dans le sens de l’efficience technique, au service de stratégies technocratiques et in fine au profit des puissances de l'argent. Sous couvert de la plus haute rationalité, ne voyons-nous pas se diffuser un puissant irrationnel, qui ne fait qu’alimenter le projet cartésien d’une maîtrise totale sur la nature, illusion si tenace que le péril toujours plus crédible d’une crise écologique majeure ne semble pas pouvoir la déjouer. En cultivant le sens socratique des formes et limites des savoirs, il s’agit de rendre sa consistance d’être tant à la vie naturelle qu’au vivre humain dans son énigmaticité radicale.
Appel à contribution
Nous accueillerons des contributions selon une approche pluridisciplinaire : sociologie, anthropologie, éducation, éthique, psychologie, théologie, environnement, philosophie… Celles-ci devront mettre au travail des questions anthropologiques dans une perspective prospective.
Il n’y a pas besoin d’être anthropologue de formation pour penser le devenir humain dans la période contemporaine ! Voici quelques thématiques pouvant être mises au travail au cours de ces deux journées (cette liste n’est pas exhaustive) : humain et animal ; frontières du vivant et frontières de l’humain ; numérique, intelligence artificielle et aventure humaine ; technique et devenir humain ; l’avenir en anthropocène ; les différents types d’épuisements (burn out, rareté matérielle, déchets…) ; accélération et résonance ; tout type de prospectives… Mais aussi tout type de question vive dans les domaines de la santé, de l’éducation, du droit, de la politique, de l’environnement, de l’éthique…
Échéancier
- Envoi d’un texte de 2 000 signes d’ici le 20 juin 2020 à Brigitte Cholvy (b.cholvy@icp.fr) et Nathanaël Wallenhorst (nathanael.wallenhorst@uco.fr).
- Envoi d’un texte de 30 000 signes d’ici le 30 novembre 2020 à Brigitte Cholvy (b.cholvy@icp.fr) et Nathanaël Wallenhorst (nathanael.wallenhorst@uco.fr).
Perspectives de publication
Un ouvrage sera publié suite à ce colloque. Les contacts d’éditeurs sont en cours.
Comité scientifique UDESCA
Valérie Aubourg, Université Catholique de Lyon (valerie.aubourg@gmail.com)
Brigitte Cholvy, Institut Catholique de Paris (b.cholvy@icp.fr)
David Doat, Université Catholique de Lille (david.doat@univ-catholille.fr)
Catherine Fino, Institut Catholique de Paris (c.fino@icp.fr)
Pascal Marin, Université Catholique de Lyon (pscl.marin@gmail.com)
Joel Molinario, Institut Catholique de Paris (j.molinario@icp.fr)
Jean-Marc Moschetta, Institut Catholique de Toulouse (jm.moschetta@gmail.com)
Tanguy-Marie Pouliquen, Institut Catholique de Toulouse (tanguy.marie1@gmail.com)
Alberto Romele, Université Catholique de Lille (romelealberto@gmail.com)
Nathanaël Wallenhorst, Université Catholique de l’Ouest (nathanael.wallenhorst@uco.fr)