Journée d’étude co-organisée par Anaïs Guilet (MCF Littératures comparées, Université Savoie Mont Blanc) et Corinne Melin (professeure Histoire des arts contemporains et Esthétique, Ecole Supérieure d’Art et de Design des Pyrénées, Pau-Tarbes)
Gardiens de nos nuits posés sur nos tables de chevet, blottis tout près de nous dans les poches de nos vêtements, guides efficaces de tous nos trajets, les téléphones portables dits intelligents / connectés, sont devenus les compagnons de nos vies quotidiennes. En cela, ils modifient fondamentalement notre rapport à l’espace et au temps, et font évoluer nos pratiques cognitives et culturelles et par conséquent nos modes de penser et d’agir. Naturellement, cette omniprésence ne peut manquer d’interpeller artistes, écrivains et cinéastes. Si pour David Shields dans Reality Hunger la littérature est « affamée de réalité », il en est de même pour le cinéma qui cherche à son tour à représenter l’individu en proie à cette hypermodernité que constate Nicole Aubert dans le titre de l’ouvrage qu’elle a dirigé en 2006.
Dans les films qui nous intéresseront, les téléphones intelligents ne constituent pas seulement un objet référentiel. Ils engagent une réflexion approfondie sur les conséquences de l’hypermodernité qu’ils représentent, les affects qu’ils produisent sur l’individu contemporain, son être au monde, sa relation à autrui. Il s’agira pour nous d’étudier comment le cinéma révèle et interroge à quel point le téléphone façonne nos expériences quotidiennes en même temps qu’ils modèlent nos représentations mentales. Si, Michel Chion s’est déjà intéressé à la présence du téléphone au cinéma, le corpus de films qu’il convoque n'inclut que de manière extrêmement marginale, et à travers le prisme de la science-fiction seulement, les enjeux du téléphone portable contemporain. Or, Le « videophone » que manifestait en 1968 Stanley Kubrick dans 2001, L’Odysée de l’espace, n’est plus de l’ordre de l’anticipation, il suffit de regarder alentour.
Les films qui constitueront notre corpus devront être sortis post 2007 et le téléphone devra y tenir « le rôle principal », être la source du déploiement narratif. Il s’agira au travers de ce corpus de saisir les représentations singulières, dans le cinéma contemporain (post-2007), des téléphones intelligents, lesquels possèdent la spécificité de permettre à leurs usagers d’être mobiles, connectés et proposent comme interface un autre écran. Ce nouvel écran --dont on peut se demander s’il concurrence celui du cinéma-- s’impose comme un nouveau lieu de réflexivité par la mise en abyme écranique qui lui préside. Dans un même temps, il constitue une fenêtre sur un hors-champ inédit pour le cinéma, tant sur le plan esthétique que sur les enjeux philosophique, sociologique voire anthropologique, auxquels son « usage narratif » renvoie. Le cinéma le démontre bien, la banalité et la familiarité des téléphones intelligents/connectés, sont aussi trompeuses que pleines des récits à venir sur les imaginaires associés à ses représentations.
La journée d’étude aura lieu le 21 mars 2019 à l’université Savoie Mont Blanc, Chambéry. Elle est organisée par le laboratoire LLSETI et l’ESAP.