Le dessin n'a pas échappé à l'intrusion spectaculaire du numérique dans l'ensemble des pratiques humaines. De la palette graphique à l'animation 3D, les outils qui se sont développés modifient considérablement notre rapport à la production et au traitement de l'image. Le travail d'exploration constructive du medium s'est prolongé ensuite grace à la réalité virtuelle et à des dispositif interactifs comme Le Tunnel sous l'Atlantique au Centre Pompidou (1995), World Skin, un safari photo au pays de la guerre (1997). Tout se passait comme si nous tendions vers la dématérialisation inexorable de la figure qui se dissout dans la donnée (data). Ce phénomène, que Maurice Benayoun qualifie de « sublimation » (en physique, c’est le passage direct de l'état solide à l'état gazeux), se voit partiellement contredit par la démarche de « réification » (conversion de la pensée en objet) qui semble habiter les hauts lieux de l'impression 3D et autres « fablabs ».
Le projet Brain Factory met en scène cette mutation en proposant au public de donner forme aux abstractions humaines. Ceci par la pensée. Les avancées de l'électro-encéphalographie permettent de contrôler la forme, sinon l'outil, par les ondes électriques émises par notre cerveau. Le « Brain worker » alimente ainsi un glossaire de formes qui sont ensuite imprimées en 3D, et donc concrètement réifiées. Dans ses formes les plus radicales, le numérique confère à l'humain le pouvoir de concilier matière et pensée en une dynamique qui révèle l’alchimie des équilibres entre sublimation et réification.