Ont collaboré à ce volume : M. Adam, C. de Thoury, M.-D. Popelard, C. Escaemant, F. Jauréguiberry, I. Rieusset-Lemarié, L. Verner, L. Pearl, J. Beaufreton, B. Andrieu, V. Dalmasso, V. Petit, J. Arrouye, D. Valhère, O. Long, P. Ardenne, C. Pencenat, A. Dargent, N. Thély, B. Gallet, E. Magne, O. Lussac, D. Méaux, V. d’Auzac de Lamartinie, C. Rondeau, B. Lafargue
Les anges fingunt – se façonnent, fictionnent –, avec l’aide de Dieu, des corps sensibles que l’homme peut voir, toucher, sentir (saint Thomas d’Aquin). C’est par sua virtute, que l’ange nous paraît parler, manger, marcher, occuper un lieu. Doué de virtus, l’ange déroge aux catégories aristotéliciennes en faisant du possible une puissance réelle, « en acte ». L’ange est, selon Louis Marin un corps virtuel qui « virtualise le monde, les êtres, les corps, les sociétés ».
Les nouvelles technologies du vingtième siècle sont-elles de nouvelles « faiseuses d’anges »? Les cybernautes volent dans le cyberspace du Village global, parlent Net, « inhabitent » l’E-Mail, font l’amour en pixels. L’épopée cathodique a fait entrer notre corps prothétique dans l’ère du virtuel. Ce n’est plus l’espace et le temps qui sont les formes pures a priori de la sensibilité, mais la téléprésence. Or, à la différence des autres images, « photo-graphiques », les images de synthèse ne « re-présentent » plus le réel. Comme les anges de saint Thomas, elles le feignent – fingunt –, le simulent. Elles paraissent exister, vivre toutes seules comme des virtus autonomes et responsables. Elles nous voient, nous sentent, nous touchent et réagissent aux mouvements de notre corps. Bientôt, elles se métamorphoseront au gré de nos pensées, de nos humeurs.
Bernard Lafargue (éd.), 2002, Anges et chimères du virtuel, PU Pau et Pays de l’Adour - Figures de l'Art, n°6, 508 pages, 39 euros.