La fabrique des fictions d’artistes : écrire avec des images
Journée d’étude organisée par Laurence Brogniez (Université libre de Bruxelles) et Laurence Corbel (Université Rennes 2), Clément Dessy (University of Oxford) , Valérie Dufour (Université libre de Bruxelles/FNRS), Florence Huybrechts (Université libre de Bruxelles).
Lieu : Université libre de Bruxelles
Date : mardi 10 mai 2016
L’intérêt croissant des artistes contemporains pour la fiction comme forme discursive se décline selon des registres de plus en plus variés – fictions d’anticipation, autobiographiques, politiques, ethnographiques, documentaires, juridiques, théoriques, pop fictions, etc. – et dans des formats divers, de la nouvelle au roman en passant par le conte ou le scénario. Photos/textes de Jochen Gerz, bestiaires fantastiques et chimères scientifiques de Joan Fontcuberta, fictions documentaires de Tacita Dean, enquêtes spéculatives de Kapwani Kiwanga, histoires révisées de Rodney Graham, micro-fictions oniriques de Martine Aballéa, narrations interactives de Martin Le Chevallier, chroniques insolites d’Agnès Geoffray ou récits sonores de Marcelline Delbecq sont, parmi d’autres, des fictions artistiques qui expérimentent des formes de narrativité multiples. Si l’écrit fictionnel est intégré ou associé à des œuvres qui explorent un large éventail de formes et de médiums, cette journée d’étude envisage de considérer spécifiquement les fictions, écrites ou oralisées, associées à un dispositif iconique où les images, fixes ou mobiles, projetées ou reproduites, peintes ou dessinées, ont une place de choix dans la construction de l’intrigue, parfois aussi dans sa désintégration. Qu’elle soit placée sur les cimaises ou dans des espaces de lecture intégrés à l’exposition, présentée dans des publications annexes (livres d’artiste, anthologies, catalogues d’exposition), inscrite dans des performances narratives ou des agencements sonores, la fiction se déploie alors dans des jeux d’interactions multiples où les narrations se projettent et s’exposent dans les images et les images se réfléchissent dans les textes.
Dans le cadre de cette journée d’étude, il s’agira de centrer les analyses sur la façon dont s’organisent, se configurent les relations entre récits fictionnels et images au cœur même du processus de production de la fiction. La fiction, que nous entendrons donc dans son sens premier comme l’activité de façonner, d’inventer, de feindre, renvoie autant à la production des textes qu’à la fabrication des images qu’elle articule au travers d’opérations fictionnalisantes, de stratégies d’agencement des textes et des images. Dans cette perspective, on privilégiera les fictions qui mettent en récit la fabrique des œuvres, qui exposent leur propre processus de création.
L’enjeu est de rendre compte des évolutions les plus récentes de la fiction dans le champ artistique depuis l’émergence, à la fin des années soixante, d’un « art narratif », d’étudier la façon dont la fiction est réalisée dans et par la configuration réciproque du texte et de l’image, ainsi que les expériences proposées au spectateur-lecteur. Il s’agit ainsi d’analyser comment les artistes s’emparent de la fiction pour en faire un ressort de la création tout en lui offrant des formes et des espaces inédits.
Plusieurs perspectives pourront être retenues :
1/ On pourra caractériser ces fictions iconiques du point de vue de leur production en considérant ce qui relève dans l’écrit fictionnel du métarécit. Ces œuvres, qui réfléchissent le processus de leur création, nous disent comment elles mettent en dialogue les images et le texte, et intègrent aussi une réflexion sur leurs rôles et leurs statuts respectifs dans le processus de création. Comment ces œuvres intègrent-elles les images photographiques, cinématographiques, picturales ou graphiques ? Les images s’enclenchent-elles à l’écriture ou la déclenchent-elles ? Si la distinction entre visible et dicible ne recouvre pas celle de l’image et du texte, comment s’opèrent les croisements entre énoncés et visibilités ?
2/ La fiction, qui s’émancipe de l’ordre du vrai et du faux, constitue un espace de jeu où textes et images tissent des relations d’échange qui ne sont pas réductibles à des rapports d’illustration, mais développent aussi des rapports discordants ou concurrents. On pourra analyser les modes de configuration réciproques du texte et de l’image, confronter les régimes discursifs à l’œuvre dans l’écrit fictionnel et le régime de visibilité des images auquel il est associé pour examiner les effets de sens, les effets de réel et de fiction que produit leur articulation. Comment le sens circule-t-il entre écrits fictionnels et images, comment est-il construit dans les interstices du lisible et du visible ? Quelles sont les potentialités fictionnelles de l’image et quel est le pouvoir imageant de la fiction discursive ? Selon quelles modalités (entrecroisements, isomorphisme, transformation, traduction), textes et images sont-ils associés, combinés, organisés ? Comment les procédures de montage, de collage des images s’articulent-elles avec la logique du récit ? Comment l’image intervient-elle dans la construction de la fiction ? Vient-elle suspendre son cours, le relancer ou le relayer ? Les images prolongent-elles ou court-circuitent-elles ces fictions en activant l’imagination ?
3/ L’exposition permet d’explorer les fictions sous une forme visible et spatialisée, à travers un dispositif où elles se trouvent disséminées dans un réseau d’œuvres qui articulent différents médias (photographies, peintures, publications imprimées, films, dessins, installations). On pourra analyser comment l’inscription de la fiction au sein de dispositifs ou de scénographies renouvelle l’expérience esthétique. Ces fictions délimitent, en effet, un terrain de jeu où sont explorés des mondes possibles à travers des configurations qui sollicitent la vision et la lecture. Quels effets de lecture sont impliqués ou programmés dans ces œuvres qui articulent l’écrit fictionnel et l’image ? Comment les modes de présentation, d’exposition ou de diffusion transforment-ils l’expérience de la lecture et déplacent-ils la place et le statut du spectateur/lecteur ? Sont-elles l’occasion de transformer les façons de lire et de renouveler dans le même temps la réception des images ?
Une proposition de communication de 500 mots avec un titre, accompagnée d’une brève présentation bio-bibliographique, pourra être adressée à Laurence Brogniez (lbrognie@ulb.ac.be) et à Laurence Corbel (laurence.corbel@gmail.com) avant le 20 mars 2016. Durée des communications : 25 mn
Comité scientifique :
Pascale Borrel (Université Rennes 2)
Laurent Buffet (École Supérieure d’Arts et Médias de Caen/Cherbourg)
Laurence Brogniez (Université libre de Bruxelles)
Sophie Coiffier (Université Rennes 2)
Laurence Corbel (Université Rennes 2)
Sabrina Parent (Université libre de Bruxelles/FNRS)
Alexander Streitberger (Université catholique de Louvain-La-Neuve)
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