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Corps en Immersion

Une actualité dans les arts et les sciences à travers les corps pluriels.

L’humain et ses prothèses

Publié le 4 Décembre 2015 par Anaïs BERNARD in conférence

L’humain et ses prothèses

Dans un monde en pleine mutation, la médecine, outre son rôle traditionnel de soin, multiplie ses offres et ses innovations pour une société avide du meilleur, qui incite l’homme à traiter son corps comme un objet toujours perfectible.

C’est dans cette « disposition prométhéenne de l’homme » que la médecine, alliée à la technique, pose actuellement un autre regard sur le corps malade ou handicapé puisqu’elle permet d’accéder à des dispositifs prothétiques qui s’imposent comme des solutions palliatives idéales. Même s’ils permettent à ces personnes d’avoir accès à des traitements auparavant inimaginables, et de bénéficier d’avancées scientifiques inestimables, ils les engagent dans une dépendance qui va au-delà de l’accoutumance à un objet. Elles participent d’un processus complexe qui amène à la construction paradoxale du corps, affectant le sujet dans un au-delà de la construction de son image.

Par ailleurs, derrière cette proposition de l’homme « réparé » et porteur d’espoir, une autre vision de l’humain se profile en coulisse, celle d’un homme « augmenté » dans ses capacités. Ces connexions hybrides de prothèses directement intégrées au corps s’inscrivent dans le fantasme d’un humain idéal. Elles ne sont pas l’expression d’un désir nouveau, mais peuvent être comprises comme des solutions répondant aux exigences contemporaines du processus civilisateur – ce que Freud a appelé Kulturarbeit.

Etre hybride engage le sujet dans un corps à corps avec la technique et provoque des expériences corporelles nouvelles, sans être certain d’en contrôler les effets.

Voilà de quoi alimenter avec vigueur le mouvement transhumaniste, qui trouve son origine aux Etats-Unis, du moins dans sa forme contemporaine. Si ce mouvement se scinde en de nombreux courants, tous partagent cependant la même ambition, celle de modifier l’humain par des technologies pour lui permettre de dépasser ses limites naturelles, d’avancer vers une « évolution choisie » et, surtout, d’en finir avec la vulnérabilité du corps (vieillesse, maladie, mort, etc.). Dans l’idéologie transhumaniste, l’hybridation corps-technique est non problématique. Le corps est considéré comme plastique et ne serait pas ontologiquement différent d’une machine dont on pourrait, à loisir, remplacer ou modifier des parties, en évacuant ainsi les dimensions subjectives et pulsionnelles. Pour ces militants du progrès illimité, qu’en est-il des questions interrogeant l’éthique et le psychique ?

Ces expériences nouvelles inscrites dans un nouvel idéal prométhéen, soulèvent des questions inédites : Comment conjuguer la technique dans une interaction qui ne laisserait pas de côté ce que l’on pourrait considérer comme des aspects fondateurs de l’humain ? Dans cette offre actuelle de la médecine, en complaisance avec la techno-science, qu’en est-il des destins pulsionnels du sujet ? Serions-nous en train d’assister à la création de nouvelles formes d’habiter son corps ? Quels sont les configurations et enjeux psychiques du « faire corps » avec la prothèse ?

Ce colloque se déroule les 11 et 12 décembre 2015, à Paris, permettant de créer un dialogue entre historiens, anthropologues, sociologues, médecins et psychanalystes sur le fonctionnement de la logique pro-thétique.

 

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