Gallerie More Than a House 190 rue Franz Merjay, Ixelles, 1050 Bruxelles
|
Du 10 au 30 Septembre 2015 Vernissage le 12 Septembre de 19h a 22h |
|
Faire rencontrer les mathématiques algorithmiques avec le corps féminin pour aller vers le post humain ? C'est ce que propose l’artiste Eric Wenger avec sa série de pièces multimédia intitulée « Virtual Skin ». Sur les portraits imprimés en panneaux carrés ou en triptyques, on découvre des corps de femmes qu’on devine nus mais qui sont recouverts de motifs géométriques, lignes et réseaux génératifs venant les habiller, les souligner, les illuminer. Les motifs sont projetés sur les corps et le nu originel se trouve comme revêtu d’une peau virtuelle. Quand le corps originel se rétracte derrière sa nouvelle peau, les femmes deviennent des statues vaudous ou des insectes ensorcelants. La peau y est-elle carapace ? Il devient difficile de le savoir car la créature est à concevoir selon un nouveau critère : le post-humain. La mutation du corps est rendue visible : il devient "autre" par la grâce des diagrammes de Voronoi et autres algorithmes commandant la géométrie des motifs qui viennent l’enserrer sans cependant l’étouffer et le faire mourir : c'est là tout l’art du bondage auquel on ne peut manquer de penser. Cet entrelacement de formes géométriques sur le corps féminin tient de la caresse numérique : elle vient souligner la courbe d’un sein, corseter le bassin et redéfinir les volumes du corps. L’art numérique, c'est le travail sur la création du processus – mathématique ici – qui ouvre alors sur un infini des possibles indépendant de la résolution des pixels. Le créateur n’est plus un fabricant d’objet ou un artisan mais un démiurge, un concepteur de processus qui, eux, engendrent l'œuvre d’art génératif.
Une installation vidéo pour trois écrans montre le processus de recouvrement des corps de quatre femmes. Des poses sereines alternent avec des gros plans sur leurs visages animés par des émotions humaines allant de la joie à la terreur, venant rythmer la procession au son d’une musique composée par Eric Wenger. Dans cette suite d’images où les poses tenues sont résolument zens, ces femmes ressemblent à des divinités indoues et reptiliennes, marbrées que sont leurs peaux. Les corps apparaissent et se dissolvent et parfois, en gros plan, les visages grimaçants recouvert d'un réseau algorithmique au maillage desserré émettent un cri mystérieux sorti d’une bouche aux lèvres pulpeuses et colorées.
La peau virtuelle, illuminée et recouverte de réseaux cristallins pentagonaux efface peu à peu cet œil humain, trop humain, du modèle qui nous fixe parfois encore dans les trous du maillage numérique. Le sujet, son individualité, disparaît alors lentement pour venir dissiper les frontières entre l’humain et ce qui ne l’est plus, traçant une nouvelle voie. Une voie sur laquelle on s’engage comme sur le chemin d’un futur non menaçant et débordant de promesses, de nouvelles potentialités. Et on se prend à fantasmer : peut-être un jour des nano machines seront-elles capables de diffuser des colorants sous la peau afin de transformer l’apparence, au gré des humeurs? Motifs évolutifs contrôlés algorithmiquement, un maquillage perfectionné et magique. |
|
us habillés : l’oxymore finit par s’imposer comme une évidence. C'est une peau virtuelle que leur tisse Eric Wenger, une peau numérique que leur offre l’artiste.
Claire Leydenbach |